« Les adultes nous en faisaient manger du cochon. Oui, dans le cochon tout est bon. Alors on nous mettait dans notre assiette du jarret ou des côtes ou la queue ou les oreilles ou les pieds ! Ça y allait ! Et en rillettes aussi. On nous étalait ça sur des tartines. Miam, miam. Schuiiihlt. Allez, engraissez petits enfants de barbares. Miam, miam ! Le cochon dessiné sur le pot de rillettes avait l’air content. Il souriait comme dans le dessin animé. Comme un enfant. Ça c’est pour nous apprendre à digérer la mort en douceur.
On nous disait que c’était pas grave de manger les petits cochons car il parait que les animaux n’ont pas d’âme. On a le droit de manger des trucs qui n’ont pas d’âme. Nous, les enfants, on devait être juste dans la limite. Pour avoir une âme, il fallait sûrement être au moins plus grand qu’un chien. Pour les cochons, c’est sûr qu’ils n’étaient pas des élus de Dieu. Trop roses. Trop poilus. Trop gros. Trop myopes. Et surtout trop appétissants. Ils n’avaient qu’à pas ressembler à du jambon. »
Photo couverture : © Aline Issermann
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AVIS BABELIO :
Quelle tristesse que ce récit, spontané, entier, franc. Les mots d'une enfant racontés par une adulte, à croire qu'elle écrivait ce livre dans son esprit à l'époque...
Bravo pour cette plume si sincère !
Bravo pour ce premier livre, merci pour ces émotions. Cette prise de conscience.»
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Aline Issermann a écrit et réalisé de nombreux films. Comptant parmi les premières femmes importantes du cinéma français, elle a consacré son œuvre à la défense et à la promotion du féminisme et à la protection de l’enfance. Ses films ont été sélectionnés dans les principaux festivals internationaux (Berlin, Cannes, Venise…).
L’insolente liberté des boutons d’or est son premier livre.