« Le passé qui nous reste se trouble quand on y repense, comme l’air vacille et tremble autour d’une chandelle, et comme nous nous sommes dévisagées tantôt, Gaïa et moi, séparées par le bûcher qu’elle avait allumé, l’une à l’autre méconnaissables, émerveillées. Je crois pourtant pouvoir me souvenir qu’avant même de la revoir, je me préparais à la retrouver, elle aussi déesse-terre, ce soir. De fables sombres comme les deuils, la glèbe et le sang noir fertiles, je ne gardais que le fruit solide et doux du rêve qu’ici, dans la province romaine de Pluviolie, j’aurais une mère.
Tant de fois, depuis cette première nuit du mois d’août de l’an 400, j’ai revu Gaïa ; souvent j’ai frissonné tandis que mon regard fasciné redessinait chacun de ses traits. Mais mon éternel portrait d’elle me montre toujours comme elle étudia sans ennui, et sans sourire, à la lueur de la lampe de laiton, l’enfant qui osait la supplier : “reviendras-tu ?” »
Née en 1991 à Kiev, ancienne élève de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm et agrégée de lettres classiques, Eugénia Jeltikova est professeur de lettres, et erre dans l’écriture d’une thèse de littérature latine d’Antiquité tardive, tout en laissant mûrir son intérêt pour la psychanalyse.
Par un jour de thé gris est son premier roman, et Les cieux de Pluviolie son deuxième.