#aufait

10/07/2023

Xavier Delacroix

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La revue Au Fait a 10 ans et elle n'a pas pris une ride ! Pour l'occasion, nous avons donné la parole à Xavier Delacroix, fondateur et directeur de la collection. La genèse de la revue, les marqueurs forts de sa ligne éditoriale mais aussi les rencontres marquantes, l'équipe, les perspectives... c'est à une visite guidée dans les coulisses de la collection Au Fait avec Xavier Delacroix que nous vous invitons.

 

Pourquoi avoir créé la revue Au fait ?

La première version d’Au Fait était composée d’une grande enquête et d’un long entretien, l’un n’ayant aucun rapport avec l’autre. J’étais parti du constat que les journalistes ne faisaient pas vraiment d’enquête et, quand ils en faisaient, elles étaient souvent trop longues. Quant aux entretiens, je trouvais que nos amis journalistes interrogeaient toujours les mêmes personnes, toujours sur les mêmes sujets et, en général, sous le format trois questions/trois réponses qui ne donnait pas assez de place à des gens passionnants, encore moins s’ils n’étaient pas célèbres bien que maîtrisant remarquablement leur sujet. Et puis cette première version de la revue s’est arrêtée pour des raisons évidemment financières, alors que ces deux idées étaient plutôt bonnes. Surtout, nous avons été surpris par les retours très positifs sur les entretiens, ces longs entretiens avec des gens peu connus mais spécialistes de leur domaine et assez passionnants dès lors qu’on leur laissait un peu de durée. D’où l’idée de créer un mook, une revue qui reprendrait les entretiens : huit entretiens de huit personnalités différentes sur de multiples sujets. Mais j’ai pensé que c’était une fausse bonne idée. Le bon positionnement serait de prendre un sujet et de le faire observer par huit personnalités, chacune ayant un regard distinct parce que sa profession est différente : qui un sociologue, qui un politique, qui un économiste… Et c’est comme ça que le premier numéro est paru en 2018.

 

Le premier Au Fait paru chez Cent Mille Milliards était sur la pauvreté…

C’est ça. L’approche était de faire de longs entretiens, uniquement accompagnés des photos en noir et blanc des personnalités interrogées. Nous avons publié une douzaine de numéros, en prenant des sujets aussi variés que la pauvreté, les addictions, la démocratie, le sexe, la mort, le voyage, la ville… Des vrais sujets de société pour qu’à chaque fois ils soient regardés par des personnalités très différentes mais très complémentaires. Avec le temps, la formule a évolué progressivement, et nous avons ajouté des témoignages, des essais, des photos en couleur…

 

Comment sont choisis les thèmes ? 

Ce sont des thèmes qui nous paraissent faire sens aujourd’hui, alors qu’il s’agit surtout de thèmes immémoriaux, qui auraient aussi eu du sens dans les années 1960 ou 1980. Par exemple, on a commencé avec la pauvreté : c’était assez pertinent, parce que c’est un sujet dont on parle tous les jours… Et le dernier numéro paru portait sur les addictions… Ce sont de vrais sujets : ils font débat dans la société, ils ne sont pas heurtés par l’écume d’une actualité trop prégnante et, en même temps, ils font sens sur la durée. Si, demain, nous étions amenés à continuer, pour donner des idées, nous ferions un recueil sur la mobilité, un autre sur la bouffe, un troisième sur les paysans. Nous travaillerions sur des sujets comme ça…

 

C’est-à-dire des sujets évidents mais pas racoleurs et qui sont traités en profondeur…

L’idée repose sur de très longs entretiens avec des experts dont certains sont très connus et d’autres pas du tout (les pas du tout ne sont pas forcément les moins intéressants)… Nous leur donnons vraiment le temps d’aller tripoter le sujet, dans tous les sens. Cela dit, par les temps qui courent, si nous devions publier un nouvel Au Fait sur l’environnement, le sujet est trop évident, et nous proposerions plutôt un numéro sur la chaleur ou sur le froid : ça dit l’environnement, ça dit l’air du temps, ça dit la nécessité d’agir, mais ça raconte aussi plein de choses, ça raconte le textile, ça raconte le vêtement, ça raconte la baignade… et en même temps, ça raconte l’environnement. Notre travail est de trouver des sujets qui disent l’époque et de leur donner un angle. Par exemple, la rue est un thème qui dit beaucoup de choses d’aujourd’hui et d’hier : ça dit les manifestations, ça dit la propreté, ça dit l’urbanisme, ça dit le commerce… L’histoire a quelque chose à y raconter, la sociologie aussi. Pour chaque numéro, nous prenons ainsi un sujet parfaitement dans l’air du temps, dans l’actualité, dans le centre d’intérêt de tout le monde, et nous proposons de le regarder, ne serait-ce que dans l’accroche déjà, avec quelque chose qui… frétille. 

 

C’était le cas du Au Fait La mort…

La mort ! C’est vrai que c’est pas un thème traité tous les jours dans les journaux… Mais on s’aperçoit que la mort est un sujet extrêmement important. On le voit bien avec les débats actuels sur la fin de vie… Nous devrions en profiter pour le ressortir !!! Et chaque 1er novembre aussi, d’ailleurs… Ce qui me fait dire que je suis assez frappé (je nous cire un peu les chaussures) par le fait que nos numéros ne vieillissent pas. C’est vrai. On a sorti le premier en 2018 sur la pauvreté. C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, il l’est encore plus. Et je pense que si je le relisais de a à z, il n’y aurait pas un mot à retirer… C’est comme Au Fait Le voyage : il dit tout, la massification, l’espace, l’histoire… Je pense que nous pouvons être fiers de nous : ce que nous avons fait tient la route et tient la durée.

 

Y a-t-il eu des surprises, des moments particuliers lors des entretiens ? 

L’entretien qui m’a le plus impressionné, c’est celui pour Au Fait La pauvreté avec l’ancien maire de Sevran, Stéphane Gatignon, jeune mec très impressionnant… J’étais sur le cul, d’autant plus sur le cul que, quelques heures avant, j’avais passé du temps chez un banquier extrêmement sympathique, en plein cœur de Paris, c’est-à-dire dans un autre monde. Avec Alain Mandel, le photographe, d’un coup de scooter, nous nous étions aussitôt après retrouvés à la mairie de Sevran, ville vraiment sinistrée du 93, à écouter ce que racontait Stéphane Gatignon, qui n’était pas du tout dans la plainte ni dans le larmoyant mais qui te racontait totalement la vraie vie… Ça, c’était assez passionnant. Chose incroyable : Stéphane Gatignon a démissionné très peu de temps après notre entretien, d’ailleurs ! Autre souvenir, plus personnel : j’ai eu une certaine émotion en allant interviewer Brigitte Lahaye pour Au Fait Le sexe. C’est purement anecdotique, mais ça ne m’a pas laissé totalement indifférent… Sinon, j’ai été agréablement surpris. Sur la dizaine de numéros, tout le monde a accepté de nous rencontrer, il y a très peu de gens qui ont refusé, alors que je ne les connaissais pas ni n’avais pas de lien particulier pour les joindre. Je leur mettais un petit résumé de ce que nous faisions avec, en pièce jointe, notre premier numéro, celui sur la pauvreté pour qu’ils voient à quoi ça ressemble. Il y en a un ou deux qui ont refusé, manifestement pour de vrais problèmes d’agenda, de déplacement à l’étranger. Je me disais que nous faisions du bon boulot, que, dans l’ensemble, c’était des entretiens d’extrêmement bonne qualité, avec quasiment pas d’erreur de casting. Sur la presque centaine de personnes rencontrées, qui vont de gens très connus comme Edgar Morin ou Cédric Klapisch, à des gens qui ne sont absolument pas connus, des stars de l’université, de l’EHESS et d’ailleurs, une seule personne (une seule !) a demandé à être rémunérée pour l’entretien. Évidemment, nous avons refusé…

 

Comment s’est créée l’équipe d’Au Fait ?

J’ai rencontré Alain Mandel, que je ne connaissais pas, après avoir vu les photos d’un mariage sur lequel il était intervenu. Elles étaient tout à fait remarquables et je me suis dit : “Qui est-ce mec ?” Et c’est comme ça que je suis entré en contact avec lui et que nous avons fait plusieurs livres ensemble. J’ai connu Bernard Pellegrin, au début des années 2000. À l’époque, je travaillais dans une agence d’affaires publiques et j’ai participé à un projet de journal : avec cinq ou six journalistes de l’AFP, de L’Événement, etc., nous avons pendant quelques mois phosphoré sur un projet d’hebdo ou de mensuel, on ne savait pas exactement, qui casserait tout ce que l’on voyait et qu’on ne trouvait pas bon. Évidemment, nous avons manqué de finances, et le projet ne s’est pas réalisé. Il y a aussi Laurent Villemont, le DA, et Patrick Blain : toute cette équipe-là, c’est l’équipe du premier Au Fait, dont on a fêté brillamment les 10 ans cette année…

 

Quel avenir pour la revue Au Fait ?

Le média papier d’information régulière est condamné. C’est un discours que je tenais déjà en 2013 et je pense que j’avais raison. Il existe un modèle économique pour de la presse papier de qualité originale à condition de ne pas être sur de l’information générale. Pour Le Monde et consorts, c’est mort en papier et ça vivra, et c’est très bien, en numérique. En revanche, des documents comme la revue Au Fait auront leur place à l’avenir dans le papier. Parce que ça se pose et ça se reprend. On n’a pas le même rapport à ce type de lecture : plus l’actu est chaude, plus le numérique et l’image ont leur place, plus on est froid, plus le papier à sa place. Je pense qu’en dépit du réchauffement climatique, l’intelligence a besoin, peut-être à cause du réchauffement climatique, de froid… Une revue comme Au Fait est exactement ce qu’il faut aujourd’hui. Elle peut aussi se lire en numérique parce qu’on peut picorer un entretien, c’est ce que Cent Mille Milliards propose, c’est très bien comme ça, et la version papier trouve parfaitement sa place, à l’instar d’un bouquin : tu le prends, tu lis, tu le poses, tu le reprends à la page 50, tu lis un autre entretien, tu reposes, tu le reprends… Ce modèle-là doit pouvoir trouver sa place en dépit d’une évolution où le papier n’est pas forcément the winner. On pourrait aussi imaginer pour Au Fait que, demain, je veux l’entretien d’untel, je clique, et je reçois une impression 48 heures après, parce que j’ai envie de le garder. Normalement, il y a encore un peu de modèle économique en papier à imaginer pour des gens qui gardent ce qu’ils lisent. C’est parce qu’Au Fait est un bel objet. Nous l’avons délibérément conçu comme un bel objet. Tous les commentaires sont unanimes sur la qualité de la maquette, sur la qualité de la revue.

La revue Au Fait a 10 ans et elle n'a pas pris une ride ! Pour l'occasion, nous avons donné la parole à Xavier Delacroix, fondateur et directeur de la collection. La genèse de la revue, les marqueurs forts de sa ligne éditoriale mais aussi les rencontres marquantes, l'équipe, les perspectives... c'est à une visite guidée dans les coulisses de la collection Au Fait avec Xavier Delacroix que nous vous invitons.

 

Pourquoi avoir créé la revue Au fait ?

La première version d’Au Fait était composée d’une grande enquête et d’un long entretien, l’un n’ayant aucun rapport avec l’autre. J’étais parti du constat que les journalistes ne faisaient pas vraiment d’enquête et, quand ils en faisaient, elles étaient souvent trop longues. Quant aux entretiens, je trouvais que nos amis journalistes interrogeaient toujours les mêmes personnes, toujours sur les mêmes sujets et, en général, sous le format trois questions/trois réponses qui ne donnait pas assez de place à des gens passionnants, encore moins s’ils n’étaient pas célèbres bien que maîtrisant remarquablement leur sujet. Et puis cette première version de la revue s’est arrêtée pour des raisons évidemment financières, alors que ces deux idées étaient plutôt bonnes. Surtout, nous avons été surpris par les retours très positifs sur les entretiens, ces longs entretiens avec des gens peu connus mais spécialistes de leur domaine et assez passionnants dès lors qu’on leur laissait un peu de durée. D’où l’idée de créer un mook, une revue qui reprendrait les entretiens : huit entretiens de huit personnalités différentes sur de multiples sujets. Mais j’ai pensé que c’était une fausse bonne idée. Le bon positionnement serait de prendre un sujet et de le faire observer par huit personnalités, chacune ayant un regard distinct parce que sa profession est différente : qui un sociologue, qui un politique, qui un économiste… Et c’est comme ça que le premier numéro est paru en 2018.

 

Le premier Au Fait paru chez Cent Mille Milliards était sur la pauvreté…

C’est ça. L’approche était de faire de longs entretiens, uniquement accompagnés des photos en noir et blanc des personnalités interrogées. Nous avons publié une douzaine de numéros, en prenant des sujets aussi variés que la pauvreté, les addictions, la démocratie, le sexe, la mort, le voyage, la ville… Des vrais sujets de société pour qu’à chaque fois ils soient regardés par des personnalités très différentes mais très complémentaires. Avec le temps, la formule a évolué progressivement, et nous avons ajouté des témoignages, des essais, des photos en couleur…

 

Comment sont choisis les thèmes ? 

Ce sont des thèmes qui nous paraissent faire sens aujourd’hui, alors qu’il s’agit surtout de thèmes immémoriaux, qui auraient aussi eu du sens dans les années 1960 ou 1980. Par exemple, on a commencé avec la pauvreté : c’était assez pertinent, parce que c’est un sujet dont on parle tous les jours… Et le dernier numéro paru portait sur les addictions… Ce sont de vrais sujets : ils font débat dans la société, ils ne sont pas heurtés par l’écume d’une actualité trop prégnante et, en même temps, ils font sens sur la durée. Si, demain, nous étions amenés à continuer, pour donner des idées, nous ferions un recueil sur la mobilité, un autre sur la bouffe, un troisième sur les paysans. Nous travaillerions sur des sujets comme ça…

 

C’est-à-dire des sujets évidents mais pas racoleurs et qui sont traités en profondeur…

L’idée repose sur de très longs entretiens avec des experts dont certains sont très connus et d’autres pas du tout (les pas du tout ne sont pas forcément les moins intéressants)… Nous leur donnons vraiment le temps d’aller tripoter le sujet, dans tous les sens. Cela dit, par les temps qui courent, si nous devions publier un nouvel Au Fait sur l’environnement, le sujet est trop évident, et nous proposerions plutôt un numéro sur la chaleur ou sur le froid : ça dit l’environnement, ça dit l’air du temps, ça dit la nécessité d’agir, mais ça raconte aussi plein de choses, ça raconte le textile, ça raconte le vêtement, ça raconte la baignade… et en même temps, ça raconte l’environnement. Notre travail est de trouver des sujets qui disent l’époque et de leur donner un angle. Par exemple, la rue est un thème qui dit beaucoup de choses d’aujourd’hui et d’hier : ça dit les manifestations, ça dit la propreté, ça dit l’urbanisme, ça dit le commerce… L’histoire a quelque chose à y raconter, la sociologie aussi. Pour chaque numéro, nous prenons ainsi un sujet parfaitement dans l’air du temps, dans l’actualité, dans le centre d’intérêt de tout le monde, et nous proposons de le regarder, ne serait-ce que dans l’accroche déjà, avec quelque chose qui… frétille. 

 

C’était le cas du Au Fait La mort…

La mort ! C’est vrai que c’est pas un thème traité tous les jours dans les journaux… Mais on s’aperçoit que la mort est un sujet extrêmement important. On le voit bien avec les débats actuels sur la fin de vie… Nous devrions en profiter pour le ressortir !!! Et chaque 1er novembre aussi, d’ailleurs… Ce qui me fait dire que je suis assez frappé (je nous cire un peu les chaussures) par le fait que nos numéros ne vieillissent pas. C’est vrai. On a sorti le premier en 2018 sur la pauvreté. C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, il l’est encore plus. Et je pense que si je le relisais de a à z, il n’y aurait pas un mot à retirer… C’est comme Au Fait Le voyage : il dit tout, la massification, l’espace, l’histoire… Je pense que nous pouvons être fiers de nous : ce que nous avons fait tient la route et tient la durée.

 

Y a-t-il eu des surprises, des moments particuliers lors des entretiens ? 

L’entretien qui m’a le plus impressionné, c’est celui pour Au Fait La pauvreté avec l’ancien maire de Sevran, Stéphane Gatignon, jeune mec très impressionnant… J’étais sur le cul, d’autant plus sur le cul que, quelques heures avant, j’avais passé du temps chez un banquier extrêmement sympathique, en plein cœur de Paris, c’est-à-dire dans un autre monde. Avec Alain Mandel, le photographe, d’un coup de scooter, nous nous étions aussitôt après retrouvés à la mairie de Sevran, ville vraiment sinistrée du 93, à écouter ce que racontait Stéphane Gatignon, qui n’était pas du tout dans la plainte ni dans le larmoyant mais qui te racontait totalement la vraie vie… Ça, c’était assez passionnant. Chose incroyable : Stéphane Gatignon a démissionné très peu de temps après notre entretien, d’ailleurs ! Autre souvenir, plus personnel : j’ai eu une certaine émotion en allant interviewer Brigitte Lahaye pour Au Fait Le sexe. C’est purement anecdotique, mais ça ne m’a pas laissé totalement indifférent… Sinon, j’ai été agréablement surpris. Sur la dizaine de numéros, tout le monde a accepté de nous rencontrer, il y a très peu de gens qui ont refusé, alors que je ne les connaissais pas ni n’avais pas de lien particulier pour les joindre. Je leur mettais un petit résumé de ce que nous faisions avec, en pièce jointe, notre premier numéro, celui sur la pauvreté pour qu’ils voient à quoi ça ressemble. Il y en a un ou deux qui ont refusé, manifestement pour de vrais problèmes d’agenda, de déplacement à l’étranger. Je me disais que nous faisions du bon boulot, que, dans l’ensemble, c’était des entretiens d’extrêmement bonne qualité, avec quasiment pas d’erreur de casting. Sur la presque centaine de personnes rencontrées, qui vont de gens très connus comme Edgar Morin ou Cédric Klapisch, à des gens qui ne sont absolument pas connus, des stars de l’université, de l’EHESS et d’ailleurs, une seule personne (une seule !) a demandé à être rémunérée pour l’entretien. Évidemment, nous avons refusé…

 

Comment s’est créée l’équipe d’Au Fait ?

J’ai rencontré Alain Mandel, que je ne connaissais pas, après avoir vu les photos d’un mariage sur lequel il était intervenu. Elles étaient tout à fait remarquables et je me suis dit : “Qui est-ce mec ?” Et c’est comme ça que je suis entré en contact avec lui et que nous avons fait plusieurs livres ensemble. J’ai connu Bernard Pellegrin, au début des années 2000. À l’époque, je travaillais dans une agence d’affaires publiques et j’ai participé à un projet de journal : avec cinq ou six journalistes de l’AFP, de L’Événement, etc., nous avons pendant quelques mois phosphoré sur un projet d’hebdo ou de mensuel, on ne savait pas exactement, qui casserait tout ce que l’on voyait et qu’on ne trouvait pas bon. Évidemment, nous avons manqué de finances, et le projet ne s’est pas réalisé. Il y a aussi Laurent Villemont, le DA, et Patrick Blain : toute cette équipe-là, c’est l’équipe du premier Au Fait, dont on a fêté brillamment les 10 ans cette année…

 

Quel avenir pour la revue Au Fait ?

Le média papier d’information régulière est condamné. C’est un discours que je tenais déjà en 2013 et je pense que j’avais raison. Il existe un modèle économique pour de la presse papier de qualité originale à condition de ne pas être sur de l’information générale. Pour Le Monde et consorts, c’est mort en papier et ça vivra, et c’est très bien, en numérique. En revanche, des documents comme la revue Au Fait auront leur place à l’avenir dans le papier. Parce que ça se pose et ça se reprend. On n’a pas le même rapport à ce type de lecture : plus l’actu est chaude, plus le numérique et l’image ont leur place, plus on est froid, plus le papier à sa place. Je pense qu’en dépit du réchauffement climatique, l’intelligence a besoin, peut-être à cause du réchauffement climatique, de froid… Une revue comme Au Fait est exactement ce qu’il faut aujourd’hui. Elle peut aussi se lire en numérique parce qu’on peut picorer un entretien, c’est ce que Cent Mille Milliards propose, c’est très bien comme ça, et la version papier trouve parfaitement sa place, à l’instar d’un bouquin : tu le prends, tu lis, tu le poses, tu le reprends à la page 50, tu lis un autre entretien, tu reposes, tu le reprends… Ce modèle-là doit pouvoir trouver sa place en dépit d’une évolution où le papier n’est pas forcément the winner. On pourrait aussi imaginer pour Au Fait que, demain, je veux l’entretien d’untel, je clique, et je reçois une impression 48 heures après, parce que j’ai envie de le garder. Normalement, il y a encore un peu de modèle économique en papier à imaginer pour des gens qui gardent ce qu’ils lisent. C’est parce qu’Au Fait est un bel objet. Nous l’avons délibérément conçu comme un bel objet. Tous les commentaires sont unanimes sur la qualité de la maquette, sur la qualité de la revue.

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